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Le cahier de doléances déposé actuellement à la mairie de Gignac fait inévitablement penser aux cahiers de doléances remplis à Gignac et à Saint-Bonnet en 1789. Le cahier de doléances de Gignac a disparu, mais celui de Saint-Bonnet a été retrouvé dans un placard muré du Palais de la Raymondie à Martel par l'abbé Lachièze-Rey, qui dessert actuellement les paroisses de Gignac et Saint-Bonnet. Le document retraçant les découvertes de l'abbé Lucien Lachièze-Rey Cahiers de doléances du Tiers-Etat de la Sénéchaussée de Martel pour les Etats Généraux de 1789 est disponible à la bibliothèque.
Ce cahier, rédigé en français, donne des indications précieuses sur la situation géographique, économique et sociale de la communauté de Saint-Bonnet :
- Le sol est ingrat, le territoire sec et aride, éloigné de deux grandes lieues des prairies et fourrages.
- Il n’y a ni commerce ni industrie.
- Les habitants se plaignent de ce que les chemins ne sont pas réparés, ils sont impraticables.
- On met en avant le nombre de pauvres dans la communauté. On signale qu’il n’y a aucune ressource pour les faire vivre, pas même dans les ateliers de charité.
- Les récoltes sont dévastées par des chasseurs puissants ou des braconniers à leur solde qui se disent en droit de ruiner tout le monde.
- On réclame le droit et la liberté de faire du tabac.
- Il n’y aurait aucun arbre utilisable pour la marine. Le siège des eaux et forêts de Brive exercerait une surveillance inutile.
Ce cahier contient également des doléances plus politiques :
- On conseille à l’Etat de réduire le nombre de ses fonctionnaires qui seraient plus utiles aux travaux des champs.
- On se plaint de l’incorporation du Quercy au Rouergue. On demande la séparation des deux provinces.
- Les habitants de Saint-Bonnet, en particulier ceux de La Veyssière et de Falsemoyer, se plaignent des lenteurs et de la cherté de la justice.
- On demande que le Tiers-Etat soit en nombre égal avec les deux autres ordres réunis. On souhaite un vote par tête.
- On demande que les droits des habitants de la Vicomté de Turenne soient reconnus et maintenus. Ce cahier évoque à plusieurs reprises la Vicomté pourtant morte depuis 1738. Dans l’esprit des habitants de Saint-Bonnet, elle existait toujours en 1789.
Le troisième groupe de doléances concerne la fiscalité (articles 3 à 8) :
- Les habitants sont assujettis aux rentes seigneuriales sans proportion avec le produit du sol.
- On demande un rééquilibrage égal dans la Vicomté, eu égard à leurs produits réels.
- On se plaint de la façon dont se fait la levée des deniers royaux. C’est une charge qui ne pèse que sur le paysan et qui le ruine.
- On demande que les impôts et les droits de collecte soient supportés par tous les contribuables en fonction de leur fortune propre. On trouve ces impôts arbitraires et exposés aux caprices de certains. Ils sont contraires à la liberté individuelle.
- On se plaint de la multiplicité des rôles.
- On regrette que les rôles ne soient pas faits dans la communauté elle-même. On demande la transparence.
- On réclame la suppression de certains impôts : franc fief, nouveaux acquêts, capitations, milices.
- Sur le plan des abus, on se plaint des concussions, des impositions décernées par le seul caprice des receveurs, et à contre-temps.
Ce cahier a été rédigé le 8 mars 1789, après les Vêpres, sur la place publique, lors d’une assemblée réunissant tous les habitants assujettis aux impôts. En voici le contenu in-extenso :
Président : en l’absence de Mr le juge, Jean-Baptiste Joseph Parry, conseiller avocat du Roy en la sénéchaussée de Martel.
Vingt des 54 présents ont signé le cahier : Sr François Sourzac bourgeois, consul la présente année, Bernard Lalba faisant les fonctions de sindic fabricien, sieur Jean Vergnes bourgs, sr Denis Chassain bourgs, Pierre Maigne, Jean Bordes, François Delpÿ, Jean Bordes, Jean Sourié, Michel Arliguie, Joseph Vergne, Joseph Chambon, Martin Fumat, Guilhaume Ribiere, Baptiste Duvergé, Jean Sourzac, Pierre Vergne, Joseph Delbos, Jean Vergne, Liberal Valade, Jean Seraudie, Pierre Sourzac, Michel Sourzac, Raymond Lafaÿe, Jean Nouailhac, Michel Seraudie, Jean Gauchet, Jean Delpeyrou, Jean Dales, Jean Delbos, Pierre Delbos, François Viellefosse, Jean Delpÿ, Michel Maigne, Jean Bordes, Antoine Merle, Jean Chanteloube, Estienne Lerÿ, Antoine Bouysou, François Sourie, Michel Massedré, Joseph Parzadis, Jean Vergne, Antoine Cremoux, Jean Sauret, Jean Vergne, Jean Vivier, Pierre Brû, Pierre Albiac, Leonard Vergne, François Pouch, Jean Sourzac, Antoine Granaud, Pierre Rebiere.
92 feux ; 260 comm. en 1777 ; 54 présents.
Députés : Srs Jean Bordes du Masdelpeuch, Jean Vergne Champaignac de Lasotte.
Le 11 mars, ce cahier est porté à Martel par les deux délégués Jean Bordes et Jean Vergne Champagnac.
Cayé de dolence, plaintes et remontrances de la communauté de st Bonet en Quercy, viconté de Turenne, pour être porté par les députés à l’assemblée du Tiers Etat à la sénéchaussée de Martel, le onze mars mille sept cents quatre vingt neuf, et ensuite à l’Assemblée Générale du Tiers Etat de la sénéchaussée principale du Quercÿ à Caors, le seize du même mois de mars, et enfin déférée à l’Assemblée des Etats Généraux du Royeaume convoqués à Versaille le vingt sept avril mille sept cent quatre vingt neuf.
Le tiers Etat de lad. Communauté se plaint
1° de l’incorporation du Quercÿ avec le Rouergue. Il demande la desugnion des deux provinces ; que les enciens Etat particulier du païs du Quercÿ soient retablis, que les droits des habitants de la vicomté de Turenne y soient reconnus, conservés et maintenus ; que ces Etats soient composés de mambres librement choisis dans les diferants ordres, le tiers Etat y etant en nombre egal avec les deux autres ordres reunis, et qu’il soit estatués que les ordres y voteront par tetes.
2° il se plaint de ce que, le teritoire de la presente communauté se trouvant dans un ( ?) sec et aride, eloigne de deux grandes lieues de preries et fourages sans nul commerce ni industrye, sont rolle d’inposition est trop allivré et sans aucune proportion avec l’alivrement des autres communautés de la viconté. Il demande dont un regalement de l’alivrement general de la viconté, indistintement sur toutes les propriete qui en dependent, eû egard a leur valeur et a leur produit reels.
3° il se plaint de la maniere honnereuse dont se fait la levée des deniers roÿeaux. C’est une charge qui ruine le malheureux qui en a la commission et qui ne paize que sur le paÿsant ; il est juste d’augmenter les droits de collecte pour etre supportés par tous les contribuables, de maniere a pouvoir indemniser le collecteur de ses depenses extraordinaires, de la perte de son tem et de ses traveaux.
4° il se plaint de la multiplicité des rolles, ainsi que de la multiplicité des articles dans le meme rolle sous le nom du meme redevable ; un seul suffiroit, et les embaras du meme collecteur seraoit moindre.
5° il se plaint de ce que les rolles ne sont pas fait dans les communautés et a la moindre dite…, des frais de verification et voyage devers l’election…, de la cloture des comptes par la cour des aydes. Le Quercÿ remis en paÿs d’etat n’a besoin ni d’election ni de cours des aydes, bureau de finances, chambre de compte, ni d’aucun autres tribunaux d’eceptions, ni de receveurs generaux, ni de receveur particulier. La quaisse des Etats, apres avoir reçû de chaque collecteur, versera ensuite directement au tresor roïal. Et il est de toute justice que les comptes de collecteurs soient connus et arretés par les memes habitants qui les ont paÿés.
6° îl se plaint des conquitions, des contraintes pour la levée des impositions. Elles ecragent les communautés parce que, le plus souvent, elles sont decernees a contretems et par le seul caprisse des receveurs.
7° il demande que l’on face cesser les exactions des preposés au recouvrement des droits domaniaux qui n’auront plus la liberté de prendre tantot plus, tantot moins sur les actes de meme nature et qualité.
8° il demande l’abolission des droits de franc fief, nouveaux acquêts, droits de lots et vente sur les echeanges comme contraires a la loÿ des fiefs, ainsi que l’exteintion des capitations, milices et classemens, comme opposées a la liberté individuelle et exposée a l’albitraire et souvent au caprice.
9° il se plaint de vesxation du siege des eaux et forêts de Brive, dont la surveillance est sans objet dans l’etendue de la presente communauté ou il est inpossible que le teroir puisse donner un arbre a la marine. 10° il se plaint des lempteurs qu’il eprouve dans l’administration de la justice, et surtout de la cherté de la justice dont les fraix ruinent en meme tems le plaideur qui gagne son procès et celuy qui le pert ; a plus forte raison les eprouvent une injustice particuliere en ce que sans forme ni pretextes ils ont été distrait de la juridiction de leur domicille pour les forcer d’aller au loing demander la justice ordre qui leur est düe sur les lieux.
11° il se plaint de ce qu’ayant payé annuellement des sommes très considerables pour les chemins, ils n’ont encore peû obtenir aucun secours pour les reparations de leurs chemins de communication qui sont quasi inpraticables, ny aucune ressource pour faire vivre, dans ses tems de malheurs et de calamités, le nombre immansses de pauvres qui sont dans la presente communauté et qui avoient droit dans trouver dans la repartition des fonds annuels de charité qui ont été accordés par le gouvernement pour les etablissemens des différants atteillés de charité dans toute l’étendue de la province;
12° il se plaint de ce que, au mepris du reglement, il voit journellement ses recoltes devastees par des chasseurs puissants ou braconniers a leur solde, qui se disent en droit de ruiner inpugnement tout le monde. Enfin, il demande que la subevantion qui sera accordée par la nation pour les besoin de l’etat soit supportée indistintement par tous les sitoyens du roÿeaume, en raisons de leur facculleté et de leur fortune respective.
La presente assemblée a observé qu’il seroit très avantageux pour le paÿs de recouvrer le droit et la liberté de faire du tabac, a la charge de le fournir a l’etat aux mêemes prix et condition qu’ils le tirent de l’etranger, et, par ce moyen, l’etat ne seroit plus engagé aux frais dispendieux de l’entretien des employés dont les bras seroit plus utiles aux traveaux de l’ariculture /° la presente assemblée observée encore que le sol de la presente commtté, egalement ingrat dans ses production et sans aucun secours pour les engrais, se trouve on ne peut plus surcharger par la quantité etonante des rentes seigneurialle auxquels les fonds sont asujetis sans nulle proportion avec leur produit /°.
Fait, clos et arrété dans l’assemblée generale de la presente communautté de St Bonet a l’issue de vepres en la maniere acoutumée ce jourd’huy huitieme mars mille sept cents quatre vingt neuf par tous les habitants compris aux rolles de ses impositions, et de suite signé par ceux d’entr’eux qui ont sçu signé.
Sourzac, consul
Lalba, Albiac, Vergne, Chassaing, Pouch, Vergne, Riviere, Gautié, Granau, Chambon, Duvergé, Bordes, Valade, Sourie, Boussou, Bordes, Vergne, Sourzac