L'arrivée du chemin de fer

L'arrivée du chemin de fer
    

Un bouleversement inimaginable sur le Causse de Martel
    

Dès 1854, la construction de la voie ferrée entre Brive et Saint-Denis prés Martel modifie considérablement la situation de Sarrazac. L’Est de la commune et les gros villages peuplés du bord du Causse regardent vers la ligne avec ses stations de Turenne et des Quatre-Routes.
En 1878 un nouveau changement se produit : le projet de chemin de fer de Souillac à Brive, longtemps retardé par de grosses difficultés techniques et administratives, est lancé.
   

Relations difficiles entre Gignac et Cressensac
Témoignages recueillis par Odile Battier en 1929 auprès d'anciens qui avaient connu cette période de tension entre Gignac et Cressensac, Alexandre Delvert le grand-père de Louise Villepontoux, Pierre Fumat le grand-père de Fernande Doublen et "Lavalou" le grand-père d'Hélène Lalle  : "La gare devait se construire dans le « Prat Dinal », c’est-à-dire le pré face à Saint-Antoine, à droite en montant à Saint-Bonnet. Mais comme le maire de Cressensac  voulait que cette gare se fasse sur un terrain de Cressensac, il avait demandé de la mettre au Pin, sur la route de Gignac, à droite avant d’arriver à Cressensac. La Compagnie a refusé ce plan. Le maire qui tenait à ce projet a fait faire une pétition disant que les habitants de Gignac  ne tenaient pas à avoir la gare à Gignac. Cela pourrait faire peur au bétail. Il a fait décider qu’elle se ferait à mi-chemin entre les deux communes. Mais comme elle est construite sur un terrain de Gignac, on l’a appelée la gare de Gignac-Cressensac. Les gens de Cressensac voulaient qu’on l’appelle la gare de Cressensac-Gignac ! Si la gare s’était faite à Gignac, cela aurait été beaucoup plus simple pour la construction de la voie : Estivals, Gignac, Madrange, La Sotte et Souillac. On aurait évité les tunnels et de grands viaducs. Il y a eu pas mal de querelles à ce moment-là entre les habitants de Gignac et les habitants de Cressensac."
    

Un peu d'histoire
   

Ligne Brive-Montauban classée dans le réseau d'intérêt général par la loi du 31 décembre 1875, déclarée d'utilité publique le 11 mars 1879, concédée à la Compagnie d'Orléans par la loi du 20 novembre 1883. Les travaux s'étalèrent de 1882 à 1888. Les deux principaux ouvrages d'art réalisés à Gignac ont été les deux tunnels :
- Montagnac (105 m) : 174 300 F,
- Les Perriers (417 m) : 523 900 F.
     

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La construction de la ligne de 1882 à 1891
    

Les principaux ouvrages d'art entre Brive et Souillac ont été le viaduc du Boulet (476 m de long, 37 m de haut, 26 arches) et les deux tunnels de Montagnac (105 m) et des Perriers (417 m). Ces chantiers, qui se sont étalés de 1882 à 1888, ont nécessité beaucoup de main d'oeuvre. Les agriculteurs de toutes les communes environnantes ont travaillé sur ces chantiers, en particulier pour le transport de matériaux et déblais sur leurs charrettes. Un très grand nombre d'ouvriers venus d'ailleurs se sont installés le long de la ligne. La population de Gignac, par exemple, est passée en 1886 de 1456 habitants à 1897. Pendant une dizaine d'années, entre Brive et Souillac, ce sont 50 000 ouvriers qui ont participé à la réalisation du tracé.

      

Technique et esthétique
      

Cette construction (8,4 km sur le territoire de la commune) est exemplaire à plus d'un titre et contribue de façon essentielle à l'environnement bâti du paysage Gignacois : ponts, murs de soutènement, gare de voyageurs, gare de marchandises, maisons des gardes-barrières, tunnels. Le souci de bien faire apparaît partout. Leur intégration au paysage est étonnante grâce à l'utilisation de matériaux locaux (pierres levées sur place) et grâce à la mise en œuvre de formes simples : voûtes en plein cintre des deux tunnels qui ne heurtent pas le regard (c'est-à-dire en anse de panier).
      

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Ouverture de la ligne le 1 juillet 1891
Trois trains de voyageurs s'arrêtaient à Gignac dans le sens Brive-Cahors (13 h 48, 8 h 28, 19 h 43) et trois autres dans le sens Cahors-Brive (20 h 54, 8 h 40, 11 h 54).
     

Inauguration officielle le dimanche 2 août 1891
Le train ministériel s'arrêta à Gignac à 9 h 15 : le ministre de l'intérieur, M. Contans et le ministre des transports, Yves guyot, reçurent un accueil triomphal : discours, haie d'honneur des enfants des écoles qui présentèrent les armes (après la guerre de 1870, les garçons suivaient des exercices militaires et apprenaient le maniement de fusils en bois), remise de décorations.

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La gare avant 1906 (plaque photographique)
     

Gare de Gignac-Cressensac
L'ouverture de la gare s'accompagne d'une transformation des lieux. De nombreuses familles venues d'ailleurs s'installent des deux côtés de la ligne : Trantoul, Fraysse, Guglielmone, Baussonie…, employés des chemins de fer. Un véritable village naît alors : trois auberges-restaurants, une épicerie, un maréchal-ferrant, trois bascules, une fête de village annuelle avec bal, jeux de quilles, forains… L’arrivée du train bouleverse les habitudes. On peut aller à Brive ou Souillac plus facilement. L’exportation de bois, écorces, truffes, animaux, donne un coup de fouet à l’économie locale.
     

L’histoire des pendules comtoises
"Avec la construction de la ligne de chemin de fer et de la gare, on peut ajouter l’histoire des pendules comtoises. La compagnie employait des gens du pays en plus de ses propres équipes. Ce travail était relativement bien payé, et cela a permis aux gens d’ici de faire des dépenses inhabituelles. Les vendeurs de pendules qui venaient de Franche-Comté, de Besançon, déposaient leur marchandise chez des "regratiers" – qui n’existent plus aujourd’hui, c’était des revendeurs en secondes mains, et on disait en occitan des "regretaires". C'est pourquoi il y a beaucoup de pendules comtoises dans notre région." (Témoignage recueilli par Odile Battier auprès d'anciens Gignacois)

  

Alimentation en eau des locomotives à vapeur
Conduite d'amenée d'eau du Clos du Pech à la gare : un aqueduc souterrain de 2 593 mètres de long

    

Un jeu pour casse-cou
Pour les adolescents inconscients, ou qui avaient le goût du risque, c’était même devenu un jeu. Un certain Jean-Baptiste Brousse prenait le train à vapeur en marche à Montagnac jusqu'à Souillac et il revenait par un autre train. Il se couchait même sur la voie et le train passait au-dessus de lui !
    

La gare de Gignac-Cressensac
Le bâtiment de la gare de voyageurs appartient au type n° 3 dans la collection de la Compagnie d'Orléans (débarcadère des voyageurs avec hall séparé).

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Gare de marchandises

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Plan de la station Gignac-Cressensac
     


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Gare de marchandises aujourd'hui abandonnée
    

Accidents mortels en gare de Gignac
Le 21 juin1898 Pierre Simbille, dit Augustin, maire de Gignac, meurt à la gare de Gignac, victime d'un accident de voiture à cheval.
Le 20 octobre 1914,à 5 h du matin, Jean Toureau, né à Beyssenac (Corrèze), est tué dans un accident dont on ne connaît pas les circonstances. Il appartenait au 57e Régiment d'Infanterie et il se dirigeait vers son lieu d'affectation.
    

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Le tunnel de Montagnac
     

Date de création : 04/01/2007 @ 16:40
Catégorie : - Monuments

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A gauche, la maison du garde-barrières.  La gare de voyageurs est
à 200 m au nord du passage à niveau, côté droit des voies. En face se trouve l'ancienne cour de
marchandises, ainsi qu'une sous-station électrique 1500 V d'alimentation de la ligne.
    

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En 1981
      

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En 1980
    

Une ligne beaucoup utilisée par les Allemands pendant la deuxième guerre mondiale

et des sabotages réalisés par les Résistants sur la voie ferrée en 1943 et 1944
     

Téléscopage de Grézals (près de Reyrevignes) dans la nuit du 12 au 13 décembre 1943
     

Cette voie de chemin de fer était utilisée par l'armée allemande. Pour freiner sa remontée vers le nord, les résistants du Lot et de Corrèze ont procédé à de nombreux sabotages. Le 12 décembre 1943, des maquisards du camp Grandel en Corrèze et quelques illégaux cheminots du camp des Suspins,  près de Noailles, investissent vers minuit la gare de Gignac et demandent à l’employé de service de se mettre à leur disposition. Ce dernier, le moment de stupeur passée, leur vient en aide. Le premier train de marchandises en provenance de Souillac est arrêté en gare de Gignac. Le convoi suivant, sur la même voie, est stoppé au Poste de Grézals situé près de 9 km plus bas. Le train est arrêté dans une tranchée très encaissée. Par téléphone il est ordonné au personnel d’évacuer rapidement les lieux. Les servants du train arrêté à Gignac sont priés eux aussi de quitter le convoi, et le mécanicien est remplacé par un maquisard cheminot. Ce dernier met le train en marche arrière. Régulateur à fond. Il saute alors sur le quai, et le convoi dévale à toute allure en direction de Grézals (dénivelé : environ 100 mètres).
Le choc sur le train arrêté est d’une violence inouïe. Les wagons s’encastrent sur 4 étages dans la tranchée et les voies sont inutilisables pendant 3 jours.
    

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Les wagons évacués sur les abords en dehors des voies à l’aide de grues
 ne furent déblayés qu’en 1944 ou 1945.
      

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Sur ces photos on reconnaît Marcel Mas (ou bien Grumdey), Gabriel Mourlhou,
Paul Brunerie et Rogemont de Gignères.
    

Le 6 juin 1944
Sabotage dans le tunnel des Perriers

L’A.S.-Vény lance toute une série d’attaques pour couper les voies ferrées du Lot à la Das Reich regroupée à Toulouse et Montauban. Martin (Armée Secrète groupes Vény du Lot) provoque le déraillement d’un wagon dans le tunnel des Perriers, bloquant ainsi le train blindé allemand à Souillac.  
      

27 juin 1944
Nouveau sabotage de la voie ferrée, près de Gignac.
   

18 juillet 1944
Sabotage de la prise d'eau de Gignac.
   

A Montagnac le 30 juillet 1944
    

Le lendemain de l'attentat de Teyssilhac, lors de la remontée du train blindé, les allemands ont tiré sur la maison de Paul Brunerie (trou dans le mur) et sur Gustave Gouysse qui s'était caché derrière un gros chêne. Gustave Gouysse avait un champ à Montagnac, il avait quitté son travail pour trouver un abri précaire. Quand il a voulu sortir son mouchoir blanc pour faire signe et se rendre, son corps a dépassé du tronc et il a reçu deux balles dans le côté.
A Vielfour, un obus est tombé sur la maison Gandois. Georges Rol, devenu Monseigneur Rol  évêque d’Angoulême, avait 17 ans et il gardait les vaches : il s’est enfui dans les bois de La Valette pour se cacher.
   

En complément, un article de La Montagne du 18 août 2020


Date de création : 01/08/2020 19:45
Catégorie : Le désenclavement de Gignac -

Réactions à cet article

Réaction n°2 

par Pestourie_Claude_ le 10/12/2023 14:53

Magnifique texte sur l’histoire de cette voie ferrée où nous apprenons plein de choses sur cette époque. Je suis particulièrement sensible à ce récit, étant natif de Gignac et ayant habité quelques années au PN 301 de Vielfour dans les années 60.

je pense que sur la deuxième photo, la deuxième personne en partant de la gauche est mon père Henri Pestourie ami très proche de Gabriel et Paul qui figurent sur la photo du dessus.

Encore merci pour la richesse de votre site 

Claude Pestourie 


Réaction n°1 

par Reinhard_DOUTe le 19/02/2023 17:14

Bonjour,

En tant qu'heureux propriétaire (depuis 2014) de la maison de garde-barrière n° 298, je me dois évidemment de réagir... Tout d'abord, un grand merci pour ce reportage qui m'a appris beaucoup de choses... En retour, je signale la présence ici ( http://www.rd-rail.fr/1-PHOTOS/023.html ) d'un reportage de mon cru sur ce qui circulait sur la ligne en 2014. Les choses ont un peu changé depuis : disparition du fret nocturne et des trains de nuit en semaine pour cause de travaux, remplacement des trains TER avec locomotives par des automotrices. Pour information également, on trouvera au tout début de ce reportage un profil de la ligne entre Brive et Cahors, où l'on voit que le sommet du parcours entre Brive et Souillac n'est pas exactement la gare de Gignac - Cressensac mais un point situé environ 1 km plus au nord. Et je conclus en notant que les luttes d'influences entre les deux communes ne me surprennent pas vraiment, puisque la gare est bien sur la commune de Gignac alors que la maison de garde-barrière est sur la commune de Cressensac !

Bien cordialement,

Reinhard DOUTé