L'Arbre de COSTA

Comment se présente l’œuvre installée à Gignac ?

Essais d’analyse, quelques clefs pour décrypter l’œuvre de Fernando Costa.

1. Avant la bénédiction de l’Arbre (le 4 juillet 2006 aux Genestes de Gignac), Monseigneur Rol procède à une lecture de l’œuvre de Costa :

C’est une œuvre puissante qui se présente à nous avec la force du métal travaillé par l’artiste à partir d’éléments de matériel agricole qui ont fini leur service. Ils forment autour du tronc et de ses trois branches des écailles chaleureuses qui tempèrent l’éclat du métal.

Trois Régions-Trois  départements-Trois communes (Gignac, Nadaillac et Estivals) sont symbolisés par les trois branches avec 55 volutes représentant les 55 paroisses de l’ancien archiprêtré de Gignac.

L’arbre enraciné solidement dans la tradition invite à considérer notre humanité comme un arbre immense qui vit de ses racines et de ses branches qui le composent harmonieusement. L’artiste a voulu enraciner son œuvre dans le terroir de Gignac, en reconnaissance pour la commune qui l’a accueilli.

Les branches évoquent une croissance qui est en cours avec des volutes aériennes qui annoncent les feuilles. On y distingue des tiges qui pointent vers le ciel, une croix qui rappelle discrètement le passé religieux de la paroisse et aussi annonce une renaissance. On peut en se déplaçant contempler un cœur (l’amour n’est donc pas absent de cette œuvre faite avec beaucoup d’amour). Et d’ailleurs un nid est là pour accueillir les oiseaux du ciel.

L’œuvre est riche en symboles – on peut en proposer plusieurs lectures. Voici une lecture chrétienne.

Le nid m’a fait penser à la parole de Jésus qui a dit un jour : « Le royaume des cieux ressemble à une graine de moutarde qu’un homme a prise et semée dans son champ. C’est la plus petite de toutes les graines, mais quand elle a poussé, c’est la plus grande de toutes les plantes du jardin : elle devient un arbre, de sorte que les oiseaux du ciel viennent faire leurs nids dans ses branches » (Mat. 1331)

Les arbres tiennent en effet une bonne place dans la Bible. Citons simplement la Genèse :  Après la création de l’homme « le Seigneur planta un jardin au pays d’Eden, là-bas vers l’Est pour y mettre l’être humain qu’il avait façonné. Il mit au centre du jardin l’arbre de la vie et l’arbre de la connaissance du bien et du mal. » Si l’homme mange du fruit défendu, c’est-à-dire s’il rejette Dieu son Créateur, il va à sa perte.

Citons aussi au dernier livre de la Bible (l’Apocalypse, 222) ce texte visionnaire : « L’ange me  montra le fleuve d’eau de la vie, brillant comme du cristal qui conduit au milieu de la place de la ville. De chaque côté du fleuve se trouve l’arbre de la vie pour la guérison de toutes les nations… Heureux ceux qui mangeront des fruits de l’arbre de la vie… »

Que cet arbre puissant, au milieu des pesanteurs et des incertitudes de notre monde qui se cherche, soit pour nous un signe de confiance en l’avenir, un signe qui assimile les valeurs du passé sur la terre du présent, en ouvrant vers le haut un horizon spirituel indispensable à toute vie humaine. (…) 

2. Extrait du discours prononcé par Marcel-Eugène Labroue lors de l’inauguration officielle le 8 juillet 2006 :

Cet arbre métallique a un socle massif qui l’ancre, qui l’attache à la terre.

Il a

  • un tronc composé de facettes symbolisant les hommes et les femmes d’hier, d’aujourd’hui et de demain,
  • trois branches qui partent dans trois directions, des 3 communes, des 3 départements et des 3 Régions,
  • 55 volutes symbolisant le territoire des anciennes paroisses de l’archiprêtré de Gignac du 12e siècle à la Révolution,

mais on peut aussi voir dans l’arbre un nid symbolisant la maison, la famille, l’éclosion, les enfants, la descendance. Les volutes en spirales symbolisent aussi l’idée de croissance et d’élévation. Et puis, si on se positionne bien, on peut voir un cœur fait avec deux volutes, le symbole de l’Amour. Et en étant observateur, vous y verrez également une faux, une partie d’un socle de charrue, une roue de vélo d’enfant, deux fers à cheval et des outils de la terre, et certainement d’autres objets que l’artiste a positionnés dans son œuvre.

Mais cet arbre n’a pas que l’interprétation que je viens de faire, il aura, je n’en doute pas, l’interprétation de chacun d’entre vous. Cette interprétation sera liée à votre sensibilité, à votre vécu, à votre imagination.

3. Majestueux et imposant, sobre et élégant, harmonieux et équilibré, cet arbre métallique aux couleurs changeantes  ne peut laisser indifférent : le graphisme, l’originalité, le choix des matériaux interpellent, accrochent le regard, amènent le passant à se poser des questions. Bien évidemment, cette œuvre est le reflet de l’imaginaire de l’artiste, une sorte de miroir qui fournit des indications sur sa sensibilité et sa personnalité.

Mais au-delà de cet aspect lié à la création artistique, au-delà de l’humour (planter un arbre en métal ! et de plus un arbre avec un nid ![1] et un cœur !), on peut s’interroger sur la valeur symbolique de cette re-présentation d’un Arbre.

L’Arbre fait bien sûr penser à la Genèse, à l’arbre de vie et à l’arbre de la connaissance du bien et du mal[2] installés au cœur du Jardin d’Eden. Selon la Bible, c’est au pied de ces deux arbres que débute l’histoire de l’humanité. A Gignac l’arbre de vie est représenté sur de nombreux linteaux de portes et fenêtres.

Le thème de l’arbre est également un thème traditionnel dans le monde des arts, et en particulier en littérature, un thème finement décrypté par Gaston Bachelard[3] : Vivre comme un arbre ! (…) Aussitôt en nous, nous sentons les racines travailler, nous sentons que le passé n’est pas mort, que nous avons quelque chose à faire aujourd’hui, dans notre vie obscure, dans notre vie souterraine, dans notre vie solitaire, dans notre vie aérienne. L’arbre est partout à la fois. La vieille racine va produire une fleur. L’imagination est un arbre. Elle a les vertus intégrantes de l’arbre. Elle est racine et ramure. Elle vit entre terre et ciel. Elle vit dans la terre et dans le vent. L’arbre imaginé est insensiblement l’arbre cosmologique, l’arbre qui résume un univers, qui fait un univers.

L’arbre allie en effet tous les éléments : l’eau, la terre, l’air et le feu.

L’Arbre archive le temps au sens propre et au sens figuré, nous situe et nous identifie en son lieu, - un lieu de mémoire qui nous enveloppe et nous environne. Arbre à palabres, il nous donne à raconter l’espace Gignacois et l’histoire locale.

On ne peut s’empêcher de penser à l’arbre généalogique : Gignac est habité depuis plusieurs millénaires, et l’histoire des hommes et des femmes qui habitent ici est profondément enracinée dans le sol de ce modeste territoire.

Le tronc, triangulaire, la présence de trois gros marnages qui partent du tronc ne sont pas dus au hasard. A Gignac, le chiffre 3 est magique : la commune est située aux confins de 3 Régions, 3 départements, 3 cantons, 3 communes, 3 évêchés. Depuis des siècles il existe, derrière le village des Maisons Rouges, une borne féodale appelée Pierre des trois évêques, une borne qui est devenue un véritable mythe.

Si l’on compte les spirales de l’arbre, on en trouve 55, une allusion au passé prestigieux de Gignac qui était un archiprêtré à la tête de 55 paroisses situées aujourd’hui en Dordogne et au Nord du Lot. Il s’agissait de la partie Périgourdine et de la partie Quercynoise de la Vicomté de Turenne. Une croix discrète et des pointes qui s’élèvent vers le ciel complètent l’évocation du passé religieux du village.

Un seul blason antérieur au XVIIIème siècle a été retrouvé à Gignac, et il s’agit d’un arbre à sept branches enrichies d’un fruit. La fresque a été détruite lors de la démolition de la cheminée. Le linteau sculpté a été conservé et réinstallé près de Gignac. Ces armes sont à un arbre et un chef chargé de trois étoiles (1634). Il s’agirait du blason de la Maison Delpy originaire d’Aragon. Etymologiquement, Delpy ferait référence au pin (= du pin)[4]. On aurait donc à faire à un pin à sept branches et à sept pommes de pin.

Traditionnellement, 3 arbres ont nourri et contribué à faire vivre les gens d’ici :

  • Le châtaigner dont le fruit a été l’aliment de base pendant des siècles et des siècles,
  • Le noyer, qui était planté le long de toutes les routes et de tous les chemins. En 1952, il existait à l’école de Gignac un journal intitulé Au pays de la noix.
  • Le chêne truffier qui a fait la fortune de la commune de 1890 à 1950. Grâce aux truffes, les familles paysannes ont pu construire de très nombreuses maisons et granges dont l’architecture fait aujourd’hui le charme de la commune.

Bien sûr l’Arbre de Costa invite à évoquer les arbres emblématiques de Gignac : l’Arbre Rond, lieu de promenade et rendez-vous des chasseurs, et le tilleul de la place de l’église, un tilleul multi-séculaire installé au cœur du vieux Gignac, sur la place de l’église, et détruit en 1958 pour faire place à un parking.

L’importante activité agricole de la commune est également suggérée avec des éléments de charrue, herse, sarcleuse, faux et  deux fers à cheval.

 

[1]  Gaston Bachelard, la poétique de l’espace, chapitre 4, Le Nid, pages 92 à 104, PUF, 1981 : Le nid comme toute image de repos, de tranquillité, s’associe immédiatement à l’image de la maison simple. (…) On y revient, on rêve d’y revenir comme l’oiseau revient au nid, comme l’agneau revient au bercail.

[2]  La Bible,  in Genèse, I, 2-3.

[3]  Gaston Bachelard, La poétique de la rêverie

     Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos

[4]  Sur la double origine du patronyme Delpy, voir Dauzat, Les noms de famille de France, édition 1988, page 325.


Date de création : 10/07/2020 09:48
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