Le Père désabusé, comédie de Pierre Cérou

Quelques renseignements sur la deuxième pièce de Pierre Cérou intitulée "Le Père désabusé" et créée à la Comédie française en 1758.

Dictionnaire portatif historique et littéraire des Théâtres contenant l'origine des différents théâtres de Paris

Dans le "Dictionnaire portatif historique et littéraire des Théâtres contenant l'origine des différents théâtres de Paris" publié à Paris en 1763, l'auteur M. de Leris donne "le nom de toutes les pièces qui y ont été représentées depuis leur établissement, et celui des pièces jouées en Province, ou qui ont simplement paru par la voie de l'impression depuis plus de trois siècles avec des anecdotes et des remarques sur la plupart".
La deuxième pièce du Gignacois Pierre Cérou est citée avec ce commentaire : Le père désabusé, Com. en un Ac. en pro. par M. Cerou, donnée au Thé. Fran. le 10 Juillet 1758, retirée par l'Auteur à la troisieme représentation, malgré les corrections qu'il y avoit faites avant la seconde, & qui l'avoient fait recevoir assez favorablement. Cette piece n'est point imprimée ; on peut en voir le sujet dans le Mercure d'Août de la même année.

Mercure de France d'août 1758

Dans le Mercure de France d'août 1758 (pages 181 à 184), on relève un compte-rendu de la représentation, des jugements portés sur cette deuxième comédie et un résumé détaillé de la pièce. Voici ce texte dans son intégralité (le nom de Pierre Cérou est orthographié Seroux) :
 
Le lundi 10 juillet, on a donné Le Père désabusé, pièce en un acte de M. Seroux. D'abord le public y a trouvé des longueurs et quelques traits de ressemblance avec des pièces connues. Les corrections de l'auteur ont fait disparaître ces défauts, et j'ai vu sa pièce favorablement reçue à la seconde représentation. Cependant il a jugé à propos de la retirer à la troisième.

Voici quel en est le sujet.

Géronte prévenu contre son fils Damon, qu'il n'a jamais voulu voir par aversion pour la mère, se trouve avec lui sans le connaître. Le jeune homme gagne son amitié et sa confiance. Géronte le consulte sur le moyen de déshériter son fils. Il lui dit ensuite l'expédient qu'il a imaginé lui-même, c'est de se marier une seconde fois. Il a jeté les yeux sur Julie, nièce de Madame Argante, dans la maison de laquelle se passe la scène. Damon est amoureux de Julie ; mais il n'est connu ni d'elle, ni de sa tante. Il s'est présenté sous le nom de Valère, et a fait rechercher Julie au nom de Damon, supposé absent. Son père le charge de la disposer à accepter sa main. Damon ne peut se refuser à ses instances, et dit à Julie, en présence de son père, quelques mots qui semblent l'inviter à lui être favorable. Julie piquée de voir que son amant lui parle pour un autre se déclare en faveur de Damon qu'elle ne connaît pas.
Le père surpris et fâché de la préférence accordée à son fils désirerait que Valère voulût et pût le supplanter. Celui-ci, comme pour l'obliger, consent à cette tentative. Mais alors Madame Argante et Julie savent que Valère est Damon lui-même. Sa proposition est acceptée, Géronte signe le contrat ; et Damon se jette aux genoux de son père, qui lui pardonne.

Cette intrigue assez plaisante par elle-même est égayée encore par la rencontre d'un Frontin et d'une Lisette, qui se sont épousés il y a quelques années, et qui ne se reconnaissent pas. Ce manque de vraisemblance a passé au théâtre dans la scène de Cléantis et de Strabon ; mais il est ici plus frappant encore que dans Démocrite : car Frontin qui est méconnu par sa femme, avoue qu'il vient d'être reconnu par son beau-père, et c'est une circonstance dont l'auteur n'avait pas besoin.
Frontin s'est évadé avec la dot immédiatement après le mariage. Il est actuellement secrétaire de Damon, sous le nom de Bonne-Main. Lisette qui ne sait pas ce qu'est devenu son mari, consulte M. Bonne-Main, et lui demande si elle peut se remarier sans la certitude d'être veuve. Elle lui conte son histoire ; d'abord l'avocat condamne le fugitif à être pendu ; mais au nom de Frontin il se radoucit. Il profite de cette circonstance pour interroger Lisette sur sa conduite, et savoir si elle a été fidèle.
Il n'est pas vraisemblable qu’elle se croye obligée de lui répondre sur cet article ; cependant elle lui répond, et même assez ingénuement. Elle aime encore son perfide ; mais il y a quelque petite chose qu’elle n’avoue qu’à demi. Frontin désolé, se retire sans en demander davantage ; cependant la reconnaissance et la réconciliation se sont faites derrière le théâtre, et Lisette et Frontin sont réunis au dénouement.

On voit qu’il y a du comique dans les situations ; il y a aussi de la vivacité et de la gaieté dans le dialogue.

                       

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Date de création : 28/12/2022 17:08
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